
Version française plus bas.
Don’t let an assistant enthusiastically tell everybody how you work, especially if you are a well-known artist like Jean-Luc Godard, who has a reputation for forging new and difficult paths. It might unwittingly give an impression you don’t want given.
A revealing chat about a great man
Yesterday evening, having seen a screening of Godard’s Livre d’image organised by the ABC Cultural Centre at the Temple Allemand in a rainy Chaux-de-Fonds, I attended a conference organised by the Club 44 at which Jean-Luc Godard was to discuss his work with long-time assistant, Fabrice Aragno. Not unexpectedly, Godard was unable to attend leaving the floor free for Aragno to take us through Godard’s creative process in making his latest work. This relaxed, illustrated chat gave us a glimpse into the world of Godard that initially seduced. “So that’s why and how he did it!” It made many of the aesthetic choices comprehensible and as such was reassuring, especially for someone, like myself that had been inspired by Godard’s previous work but was perplexed if not disappointed by this latest collage.
The advantage of constraints
In a creative process, the unforeseen and the unintended can open up new avenues that can prove fruitful. What’s more, initial constraints like limits fixed by the scenario, by the process or even the equipment used, can force the creator to excel and discover new paths and move artistic expression forward. But in terms of creativity, limits are only productive if they lead to an artist breaking new ground rather than being hobbled by them.
From handicap to scratch videos
Severely limited by the technology he had available, Godard had to resort to hit and miss methods that resembled editing procedures from the early days of video art before technology made outcomes more predictable and intentions easier to comply with. Those pioneer times came to be known for their ‘scratch’ videos. The question that emerges concerning the Livre d’image is whether the resulting collage of texts read by the author and short sequences from films with abrupt changes, over-saturated images and blank holes is the work of a genius or not. Are we being subjected to a remake of the Emperor’s new clothes, or is this brilliant and moving as the woman sitting next to me at the screening insisted?
Downward money slope
Seen over a longer period, is it not possible this decline in the technological means available is due to a dilemma in money management? To finance his next film Godard sells off all the rights to his previous film, trading hypothetic on-going income for an immediately available lump sum. He also auctions his filming and editing equipment. This approach might drum up immediate funds but, given the nature of his work – the experimental approach of which limits popular appeal and consequently income – resources, including technical material, are likely to follow a longterm downward curve. Of course, poverty of means may be an artistic choice, but, given the complexity and necessary precision of Godard’s discourse, the inevitable stutters and splutters of the editing end up taking centre stage and get in the way of the work and its message. My hypothesis is that, beyond a certain point, a valiant and defiant artistic discourse cannot conceal the fact that insufficient means have a detrimental effect on the artistic quality no mater how much of a genius the artist is.
The Emperor is not without clothes but he suffers from neglect
This film raised a personal question. Could I be sure of my assessment and had I the courage to call out the Emperor in front of his court of admirers? Or would my fear of discovering I was the one without a fig leaf to my name cower me into silence? On careful reflection, however, the problem lies elsewhere. Here is a man who has devoted his life to breaking boundaries in cinema and video. His work has often been challenging but he has produced some most striking and beautiful creations. Yet he has been condemned to a slow decline as witnessed by the shrinking means he has at his disposition. I can imagine him shaking his head in denial. Some will blame him for his situation. Whereas, for all his apparent rough nature, I suspect he is victim of a larger neglect of art and artistic creation in our society. It is sad, if not enraging, to see someone of his stature obliged to jam his fingers on the play and record buttons to edit the films he desperately needs to make. Where are the Pierre Bingellis or the Jean-Pierre Beauvialas of this world to provide the necessary technical support? In other art forms funds exist to offer residencies to artist whose value is widely recognised but who otherwise could not make their art. Is it not time to recognise Jean-Luc Godard’s contribution and offer him, at least, the modern technical means necessary to continue making his films?
Jean-Luc Godard, un remake
Ne laissez pas un assistant raconter à tout le monde votre façon de travailler, surtout si vous êtes un artiste connu comme Jean-Luc Godard, qui a la réputation de forger des chemins nouveaux et difficiles. Cela peut donner involontairement une impression que vous ne voulez pas donner.
Un discours révélateur sur un grand homme
Hier soir, après avoir assisté à la projection du Livre d’image de Godard organisée par le Centre culturel ABC au Temple Allemand dans une Chaux-de-Fonds pluvieuse, j’ai assisté à une conférence organisée par le Club 44 au cours de laquelle Jean-Luc Godard devait discuter son travail avec son assistant de longue date, Fabrice Aragno. Comme on pouvait s’y attendre, Godard n’a pas pu assister à la conférence, laissant la parole libre à Aragno pour nous guider à travers le processus créatif de Godard dans la réalisation de son dernier ouvrage. Cette discussion illustrée et détendue nous a donné un aperçu du monde de Godard qui a tout d’abord séduit. “C’est donc pour ça qu’il l’a fait!” Cela a rendu compréhensible une grande partie des choix esthétiques et était donc rassurant, en particulier pour quelqu’un, comme moi, inspiré par le travail précédent de Godard mais troublé sinon déçu par ce dernier collage.
L’avantage des contraintes
Dans un processus créatif, l’imprévu peut ouvrir de nouvelles voies qui peuvent s’avérer fructueuses. De plus, les contraintes initiales, telles que les limites fixées par le scénario, le processus ou même l’équipement utilisé, peuvent obliger le créateur à exceller, à découvrir de nouvelles voies et à faire avancer l’expression artistique. Mais en termes de créativité, les limites ne sont productives que si elles conduisent l’artiste à innover plutôt qu’à entraver son travail.
De l’handicap à des vidéos ‘raturées’
Gravement limité par la technologie dont il disposait, Godard dut recourir à des méthodes aléatoires ressemblant aux procédures de montage des débuts de l’art vidéo, avant que la technologie ne rende les résultats plus prévisibles et les intentions plus faciles à respecter. Ces temps pionniers ont fini par être connus pour leurs vidéos ‘raturées’. La question qui se pose à propos du Livre d’image est de savoir si le collage résultant de textes lus par l’auteur et de courtes séquences de films aux changements brusques, aux images sursaturées et aux trous noirs est l’œuvre d’un génie ou non. Sommes-nous en train de refaire Les nouveaux vêtements du roi ou est-ce brillant et émouvant selon les dires de la femme assise à côté de moi lors de la projection?
Une pente descendante
Vu sur une période plus longue, n’est-il pas possible que ce déclin des moyens technologiques disponibles soit dû à un dilemme dans la gestion de l’argent? Pour financer son prochain film, Godard vend tous les droits du film précédent, en échangeant un revenu hypothétique à long terme contre une somme forfaitaire immédiatement disponible. Il met également aux enchères son matériel de tournage et de montage. Cette approche peut générer des fonds immédiats mais, étant donné la nature de son travail – l’approche expérimentale limitant l’attrait au public et, par conséquent, le revenu – les ressources, y compris le matériel technique, suivront probablement une courbe descendante à long terme. Bien sûr, la pauvreté des moyens peut être un choix artistique, mais compte tenu de la complexité et de la précision nécessaire du discours de Godard, les inévitables bégaiements du montage finissent par prendre le devant de la scène et entravent l’oeuvre et son message. Mon hypothèse est qu’au-delà d’un certain point, un discours artistique aussi vaillant et provocant soit-il ne peut dissimuler le fait que des moyens insuffisants ont un effet néfaste sur la qualité artistique, peu importe le génie de l’artiste.
Le roi n’est pas sans vêtements, mais il souffre de néglecte
Ce film a soulevé une question personnelle. Pourrais-je être sûr de mon évaluation et aurais-je le courage de mettre en cause le Roi devant sa cour d’admirateurs? Ou est-ce que ma peur de découvrir que je suis celui qui n’a pas de feuille de vigne allait me faire taire? Après mûre réflexion, le problème est ailleurs. Voici un homme qui a consacré sa vie à repousser les frontières du cinéma et de la vidéo. Son travail a souvent été difficile, mais il a réalisé des créations les plus frappantes et les plus belles. Pourtant, il a été condamné à un lent déclin, comme en témoigne la diminution des moyens dont il dispose. Je peux l’imaginer en train de secouer la tête en signe de déni. Certains vont le blâmer pour sa situation. Alors que, malgré son air inabordable, je le soupçonne d’être victime d’une négligence plus large de l’art et de la création artistique dans notre société. Il est triste, sinon enrageant, de voir quelqu’un de sa stature obligé de presser simultanément les boutons ‘play’ et ‘enregistrer’ pour éditer les films qu’il a désespérément besoin de faire. Où sont les Pierre Bingellis ou les Jean-Pierre Beauvialas de ce monde pour fournir le support technique nécessaire? Dans d’autres formes d’art, des fonds existent pour offrir des résidences à des artistes dont la valeur est largement reconnue mais qui, autrement, ne pourraient pas créer leur art. N’est-il pas temps de reconnaître la contribution de Jean-Luc Godard et de lui offrir, au moins, les moyens techniques modernes nécessaires pour continuer à faire ses films?